Créer des interactions pertinentes dans un serious game

Le serious game SCA Life

Les interactions dans un serious game se font sous la forme d’un échange d’information entre le joueur et le jeu et la possibilité pour les utilisateurs de manipuler le contenu du jeu.

On peut opposer deux conceptions de l’interactivité dans un serious game. Pour la première, l’interactivité, en mobilisant une partie des capacités cognitives, pourrait influencer négativement l’apprentissage et la mémorisation.  En effet, si jouer un jeu interactif demande plus de ressources mentales, moins il en reste pour d’autres procédés cognitifs. A l’inverse, la deuxième conception valorise l’interactivité car elle influe positivement sur le plaisir et la motivation à jouer et peut dans certains cas, permettre l’acquisition des compétences. Par exemple, en permettant d’apprendre et de répéter des gestes ou comportements.

Des ludologues ont développé une échelle pour mesurer l’interactivité dans les jeux vidéo. Ils différencient entre interactivité liée au jeu vidéo en lui-même et interactivité liée au gameplay (règles de jeu, manière dont il se joue). Cette échelle comprend 7 dimensions que nous n’allons pas toutes détailler : interactivité au niveau des contrôleurs de jeu, interactivité via les fonctionnalités, la personnalisation, l’exploration, l’intelligence artificielle, la force de persuasion du monde virtuel, et via la possibilité d’éditer le jeu (mods).

Souvent, les interactions dans un serious game se situent au niveau du gameplay : au moyen de l’exploration, que nous allons aborder ci-dessous ; au moyen de l’intelligence artificielle (capacité du jeu à réagir avec intelligence aux actions du joueur) ; et au moyen de la force de persuasion (le joueur est immergé dans un monde virtuel qu’il trouve convaincant et réaliste).

L’exploration

Explorer un environnement et faire des découvertes stimule la curiosité de l’apprenant-joueur. Pour se faire, les messages clés et les informations pédagogiques peuvent être dispensés via des interactions multimédia disséminées dans le jeu, des fenêtres pop-up, ou des discussions avec un ou plusieurs personnages du jeu.

The Fifth Sleep est un serious game d’exploration en réalité virtuelle qui emmène le joueur dans le cerveau d’un homme plongé dans le coma. Le joueur est impliqué dans l’histoire et devra faire des choix difficiles concernant la survie du personnage principal.

Les questions

Dans un module elearning classique, poser des questions à l’apprenant permet de créer un lien entre lui et le contenu, et d’augmenter son implication. Dans un jeu vidéo narratif, les questions amènent le joueur à faire un choix d’action. Utilisées dans un serious game, les questions peuvent influer sur le déroulement du jeu, tester les connaissances, mettre en pratique de nouvelles compétences…

Le serious game Shadow's Edge privilégie les interactions au niveau des questions.
Le serious game Shadow’s Edge s’adresse aux adolescents qui souffrent d’une maladie chronique. Il a pour but d’aider à surmonter les moments difficiles et de lutter contre l’isolement des malades, en alliant art thérapie et thérapie cognitivo-comportementale. Les joueurs répondent à des questions sur leur guérison et leur avenir dans un journal personnel, et peuvent interagir avec d’autres joueurs via des graffitis.

La customisation de personnages

Elle peut se situer au niveau de la customisation de personnages. Elle est particulièrement importante dans les RPG (jeux de rôles, par ex. le jeu vidéo The Elder Scrolls), avec la personnalisation d’éléments comme le sexe, l’apparence, les armes, les compétences, la personnalité, etc. La customisation de l’avatar peut faire partie de la stratégie du joueur pour réussir le jeu en construisant le personnage optimal. Par ailleurs, les joueurs s’attachent et s’identifient plus facilement avec des personnages customisés.

Les quêtes, défis, résolution de problèmes ou d’énigmes

La plupart des jeux vidéo challengent le joueur au moyen de quêtes, défis, résolution de problèmes ou d’énigmes. Dans un serious game, ces éléments doivent favoriser l’engagement des apprenants sans détourner leur attention sur ce qui est important. Ils doivent aider les joueurs à mieux apprendre et être en rapport avec les objectifs pédagogiques.  C’est-à-dire les connaissances et compétences que les apprenants-joueurs doivent acquérir à la fin du jeu.

Des interactions qui permettent aux joueurs de s’identifier à une situation ou à une expérience de travail peuvent rendre le contenu plus stimulant, surtout si elles les engagent émotionnellement. Un moyen pour y parvenir est de proposer aux joueurs de résoudre des problèmes ou énigmes en lien avec leur situation personnelle ou professionnelle, en récoltant des informations ou indices tout au long du jeu. Le but étant que le joueur reconnaisse l’importance d’acquérir des connaissances pour les résoudre. Il est recommandé de scénariser un problème crédible et nuancé, qui correspondrait à une situation de la vie réelle où la solution n’est pas forcément évidente ou optimale. Ainsi, on oblige l’apprenant-joueur à réfléchir sur les possibilités et leurs conséquences, et donc à s’engager davantage.

Le serious game du château de Fontainebleau fait la part belle aux énigmes historiques.
Le château de Fontainebleau a conçu un serious game, Le livre des siècles, qui permet aux enfants de découvrir l’histoire du château, via la résolution d’énigmes et des défis.

Les choix et les conséquences

Forcer le joueur à prendre des décisions qui ont de vraies conséquences, quitte à ce qu’il se trompe, permet de l’investir pleinement dans le jeu. Dans cet optique, on peut proposer au joueur, soit de revenir en arrière lorsqu’il prend une mauvaise décision pour lui faire suivre un chemin qui sera la seule issue possible ; soit de l’emmener de rebondissement en rebondissement, en créant des issues alternatives, comme dans un livre-jeu. Dans tous les cas, il est intéressant de faire au joueur un retour sur les décisions qu’il prend, pour qu’il comprenne et retienne les informations clés.

Attention de ne pas créer de scénarios trop piégeux ni d’embranchements trop compliqués dont on ne verrait pas le bout, afin que le joueur n’abandonne pas en cours de route. On peut aussi envisager de donner des récompenses au joueur pour ses bon choix et ses efforts, afin de maintenir son engagement. Il peut être pertinent d’offrir la possibilité à l’apprenant-joueur de sauter du contenu ou des niveaux, pour lui laisser le contrôle sur ce qu’il apprend, tout en maintenant des check-points ou points de contrôle pour qu’il démontre qu’il a bien intégré le contenu.

Les serious games sont souvent utilisés en situation de classe inversée, les apprenants-joueurs pouvant être amenés à prendre des décisions sans avoir les notions théoriques au préalable. Un débriefing après le jeu permet ensuite de discuter des concepts abordés dans le jeu et de développer les notions plus en profondeur. Un des avantages de cette approche pédagogique est qu’elle permet de s’accomoder à l’hétérogénéité des publics tout en permettant un ancrage plus durable des notions.

En conclusion, les interactions dans un serious game doivent avoir un but pédagogique et un intérêt en elles-mêmes. Multiplier les interactions inutiles peut lasser les utilisateurs et mobiliser leurs fonctions cognitives au détriment de la mémorisation du contenu pédagogique. Comme nous l’avons vu, l’interactivité peut permettre au joueur de se sentir compétent (par exemple via la simulation de gestes professionnels), de s’identifier à une situation ou à un personnage (via un scénario convaincant), et d’exercer son autonomie et son contrôle (par exemple via la prise de décision). Une interactivité réussie est donc garante de la satisfaction de l’apprenant joueur.

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