Comment créer un bon serious escape game ?

serious escape game

La popularité des escape games en salle n’est plus à démontrer,  il y aurait environ 700 centres en France à cette date, ce qui représenterait 7 centres par département. Les escape games sont parfois détourné de leur vocation ludique pour former, recruter, communiquer… On parle alors de serious escape games. Ces derniers font actuellement l’objet d’une étude de la part des chercheurs Julian Alvarez, Antoine Taly et Mathieu Vermeulen . Avant d’aborder le sujet de comment créer un serious escape game, regardons ensemble les escapes games ludiques traditionnels, c’est à dire non « sérieux ».

Une multiplicité de supports pour les escape games

Tout d’abord, qu’est ce qu’un escape game ? Dans un escape game ou jeu d’évasion grandeur nature, une équipe de joueurs  est amenée à collaborer pour s’échapper d’une pièce dans un temps limité, via la récolte d’indices ou d’objets (dissimulés ou non) et la résolutions d’énigmes. Les jeux en salle ne sont pas les seules modalités possibles. On peut aussi s’évader d’une salle non physique ou virtuelle, dans un jeu vidéo par exemple.  Ainsi, un des jeux précurseur de ce domaine mentionné par les chercheurs Alvarez et al. est le jeu vidéo d’aventure textuel, Interieur, paru en 1985, et dans lequel le joueur est amené à s’échapper d’un bureau.

Plus récemment, le jeu en réalité virtuelle I Expect you to die!, dans lequel le joueur incarne un espion enfermé dans un bureau ou une voiture, a rapporté 3 millions de dollars en 2 ans au studio Schell Games. Ici, la VR rend l’expérience plus complexe, plus immersive et plus stressante. Personnellement, j’ai beaucoup aimé le coté vintage de l’univers même si l’expérience dans la voiture m’a rendue assez claustrophobe !

I Expect You to Die (2016) est un jeu vidéo d’aventure en réalité virtuelle développé et édité par Schell Games.

Par ailleurs, Alvarez et al. font aussi le parallèle avec les escape books, véritables  livres-jeux ou « livres dont vous êtes le héros », à l’instar de La Tour de l’alchimiste dans lequel le lecteur doit tenter de s’évader d’une geôle dans la tour Saint-Jacques à Paris et ainsi échapper au fantôme de l’alchimiste Nicolas Flamel.

Les jeux de société ne sont pas en reste avec Exit, Escape Box, ou encore d’Escape the room. Il y a même des jeux hybrides qui utilisent le numérique pour enrichir le jeu physique (ex : Unlock qui combine jeu de carte et app).

Le serious escape game

Les serious escape games ont une finalité sérieuse en ne cherchant pas uniquement à divertir. Ils peuvent être utilisé pour enseigner, former, communiquer,  recruter, etc.

Ainsi, les chercheurs Alvarez et al. donnent l’exemple de l’application 100 objets, qui a pour but de promouvoir une exposition au musée de Valenciennes.

Si vous souhaitez vous inspirer pour créer votre propre serious escape game, il existe une base de données des jeux d’évasion pédagogiques sur le site S’cape. Certains sont faits avec des outils simples, comme le jeu La malle retrouvée, qui a été créé via le logiciel de présentation en ligne Genial-ly, et qui est jouable ici.

Créer un serious escape game : les bénéfices

Henri Dassonneville, Dimitri Saputa et Anthony Straub, du groupe « Innovation Numérique et Pédagogies Actives » (SEPIA, Académie de Lille) estiment qu’un serious escape game  permet de favoriser l’apprentissage actif, la motivation, l’échange, et la coopération dans le groupe. Il permettrait aussi la mise en œuvre de compétences transversales et d’activer les bonnes postures, les bons réflexes, et les bonnes actions. En effet, les neurosciences ont montré que l’émotion créée par le jeu (si elle est reste contrôlée), l’ambiance, et le scénario peuvent agir de manière favorable sur l’apprentissage. En outre, la gamification peut favoriser l’apprentissage de certaines notions complexes ou jugées peu attirantes par les apprenants.

Les ingrédients d’un bon serious escape game

L’école d’ingénieur au sein de l’Université Autonome de Barcelone (UAB) a développé un jeu d’évasion sérieux qui a été très apprécié des étudiants. Le but de l’activité était d’augmenter la motivation des étudiants sur 2 thématiques du parcours de formation : Réseaux informatiques et Information et sécurité. Tout d’abord, les étudiants devaient gagner leur accès à l’escape room en relevant plusieurs challenges en cours. Une fois admis, ils intégraient l’activité par petits groupes et devaient résoudre une série d’énigmes pour sortir de la pièce, en utilisant le savoir acquis lors des cours précédents. Les professeurs ayant conçus cette expérience donnent quelques conseils dans un article publié au Journal of Technology and Science Education, conseils repris ci-dessous pour certains.

  • Primauté des objectifs pédagogiques : certaines connaissances  peuvent avoir besoin d’un serious escape game pour permettre aux élèves de les acquérir. Dans un serious escape game, les caractéristiques de l’escape game doivent être au service des objectifs pédagogiques et non l’inverse, sans pour autant transformer l’activité en exercice rébarbatif.
  • Un scénario prenant : plus qu’une simple succession d’énigmes à résoudre en un temps limité,  les joueurs veulent vivre une véritable aventure.
  • Un environnement immersif : il doit être cohérent par rapport au scénario.
  • Des énigmes bien intégrées et diversifiées : elles doivent être plausibles et correspondre à des actions que l’on pourrait faire dans la vie réelle face à une situation donnée. Les énigmes permettant à l’apprenant de ré-exploiter des compétences et connaissances, voire en découvrir de nouvelles. Ne pas oublier que plus l’énigme ou l’activité associée est éloignée d’un exercice classique, plus l’activité a plus de chance de plaire. De plus, le nombre d’énigmes complexes doit être limité (3 ou 4 maximum), surtout pour les énigmes en lien avec le contenu académique. Par ailleurs, les auteurs recommandent de combiner les énigmes complexes avec  des énigmes plus simples, afin que les étudiants puissent voir leur progression et qu’ils estiment possible de pouvoir s’échapper de la salle.
  • La non linéarité des énigmes : le site S’cape rappelle l’importance de la non-linéarité des énigmes (c’est à dire éviter que l’énigme A donne accès à l’énigme B qui débloque C). Les étudiants doivent, dans la mesure du possible, pouvoir travailler sur plusieurs énigmes en parallèle, par exemple en travaillant en plus petits groupes pour essayer de résoudre les énigmes. Cela encourage la fluidité de l’activité et l’intelligence collective. Ne pas le faire enlèverait de la liberté d’action aux joueurs et leur imposerait de suivre une direction unique. De plus, en cas de blocage sur une énigme, les joueurs ne peuvent plus avancer.  A ce sujet, dans le cas où les participants restent bloqués par une énigme, il est bon de diffuser des indices supplémentaires, par exemple à l’aide de talkie walkies.

En conclusion, créer et mettre en place un serious escape game ne se justifie pas toujours au regard des objectifs pédagogiques. En revanche, dans le cas où il est justifié, il est important d’inclure un débriefing après une séance de jeu, pour revenir sur les notions rencontrées au cours du jeu et faire le point sur l’acquisition des connaissances. Le rôle du formateur est donc nécessaire et doit être planifié en tant que partie intégrante de l’activité pédagogique, au moins pour surveiller l’avancement du groupe, rappeler le temps qui s’écoule, et donner un coup de pouce si besoin.

Pour aller plus loin, je vous propose de lire le document Les secrets d’un escape game réussi – spécificité du cadre pédagogique, de Patrice Nadam, disponible ici.

Sources :

Borrego C., Fernadez C., Blanes I., & Robles S. (2017). « Room escape at class: Escape games activities to facilitate the motivation and learning in computer science ». Journal of Technology and Science Education, 7(2), 162-171.

Dassoneville H. , Saputa D., Straub A. « Qu’est-ce qu’un Escape Game… pédagogique ? »

Le site internet escapegame.paris

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